Là-haut sur la montagne, la France surfe au sommet

Auteur
Vanguelis Panayotis
Catégorie
Édito
Publié le

9.9.2024

Avec 7 massifs montagneux, 26 domaines skiables reliant entre elles une bonne part des 320 stations de sports d’hiver, près de 7 millions de lits touristiques en zone montagne, soit un tiers de la capacité nationale, plus de 10 millions de touristes répertoriés rien qu’en hiver et 53 millions de journées/skieurs sur la saison (Source France Montagnes), la France domine le reste du monde en la matière.

Et cette fois-ci, il y a peu de contestation possible sur les chiffres et aucune bataille d’experts à redouter. Le récent Rapport International du Tourisme de Neige et de Montagne, publié à l’occasion de Moutain Planet à Grenoble, le plus grand rendez-vous international de l’aménagement de la montagne, confirme cette prédominance de la France sur le marché de la neige, à peine challengée par les États-Unis.

Les ergots bien plantés sur le plus haut sommet, le coq français peut pousser un large cocorico sans que l’écho ne lui renvoie la riposte d’un concurrent européen, américain ou asiatique. Il n’y a pas beaucoup de secteurs dans lesquels notre pays peut se prévaloir d’un leadership mondial et qui offre encore de belles perspectives si on sait les exploiter.

Il ne faut pas négliger l’influence économique que génère cette expertise incontestable. En matière d’équipements, les entreprises françaises ont pu se faire la main sur nos stations et vendre leurs technologies à travers le monde. Même remis en cause par l’évolution des attentes et le contexte économique, c’est dans les massifs français que sont nés des concepts pionniers : nouvelles propriétés, hôtels-clubs, resorts intégrés…

Aujourd’hui encore, c’est grâce à la puissance du marché de la montagne française que des entreprises comme Pierre & Vacances ont pu accélérer leur redémarrage ou engager plus rapidement leur transformation comme Belambra ou le Club Med.  

Objet de toutes les attentions, la montagne a bénéficié des lobbies puissants de ses élus, des gestionnaires de domaines, des équipementiers et des autres professionnels rassemblés pour faire en sorte de bien traverser les crises récentes grâce au soutien massif de l’État.

Alors tout va bien ? Certes, « jusqu’ici tout va bien », disait ce personnage après avoir sauté d’un immeuble de 50 étages, « ce qui compte, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage ». La crise existentielle et économique de la montagne est au centre des préoccupations. Mais comme le disait déjà Gérard Brémond en son temps, « cela fait 30 ans que l’on me prédit la fin de la montagne ».

Pour autant, soyons réalistes, la chute est déjà sensible. Le nombre de journées/skieurs est en baisse régulière, aujourd’hui freinée par un retour massif des clients étrangers. Les jeunes ont perdu le goût de la montagne depuis la quasi-disparition des classes de neige et des classes découverte. Le succès du snow-board, censé les faire revenir, s’est largement estompé. Les saisons se suivent mais l’enneigement des pistes est plus incertain. Un moniteur humoriste avait même prédit le lancement d’un nouveau sport d’hiver : le golf !

Quel avenir pour la montagne ? s’interrogent les experts, les élus, les promoteurs et toutes les professions concernées. L’État, encore lui, est prêt à mobiliser plusieurs milliards autour du Plan Avenir Montagnes. Les pistes de cet avenir se multiplient parfois dans des directions opposées. La multiplication des « nouvelles » activités : randonnées, traineaux, luge, fat bike, piscine et yoga… ne peut pas compenser l’absence des skieurs qui n’achèteraient plus les forfaits rémunérateurs.

S’engager dans la montée en gamme des hébergements et des équipements, comme le font les grandes stations alpines, c’est profiter d’une clientèle de baby-boomers qui paiera le prix du confort mais c’est aussi se couper de la clientèle des millennials qui trouvera une alternative moins coûteuse.

Se transformer en havre de détente, d’air pur et d’ambiance cocooning, comme le souhaitent les petites stations familiales ne permettra pas de générer les mêmes revenus que les remontées mécaniques et d’entretenir les équipements de loisirs. Certes des pistes existent à travers l’événementiel sportif ou musical, mais toutes n’auront pas la capacité ou l’attractivité suffisantes pour y réussir.

Si l’avenir a du mal à se dessiner clairement, un vrai travail de réflexion est engagé par les acteurs locaux et les entreprises concernées. Il s’appuie déjà sur des réalités solides qui ont de quoi justifier un certain optimisme. La montagne pour tous est davantage une promesse qu’une hypothèse sérieuse. Elle s’adresse en priorité – notamment en hiver – aux classes aisées qui peuvent dégager un budget conséquent. La bonne nouvelle est que la moitié des « classes moyennes » mondiales se trouvent en Europe, le 1er marché des massifs français.

Deuxième élément déterminant, en dehors de l’Autriche seul véritable concurrent sérieux, la France est le pays d’Europe occidentale, le plus accessible en termes de coût des remontées. Les exploitants conjuguent innovations technologiques et modération tarifaire, comparés aux voisins suisses ou italiens et encore davantage aux stations américaines. Pas étonnant que les clientèles brésiliennes, japonaises, voire chinoises se précipitent sur nos pistes rouges et noires.

Sans négliger que nos massifs alpins, et mêmes pyrénéens, sont parmi les plus facilement accessibles avec le développement des liaisons internationales en train ou autocars. L’arrivée de l’Eurostar à Moutiers et à Bourg-St-Maurice a dopé la venue des clientèles britanniques.

Dans ce contexte, somme toute assez favorable, les acteurs de l’hospitalité ont un rôle déterminant à jouer dans cette inévitable transformation et adaptation de la montagne aux nouvelles conditions climatiques et aux attentes des différentes catégories d’adeptes.

Les modèles évoluent, poussés par le fait que si la montagne sans le ski ne peut pas survivre, que du ski en montagne conduit à une impasse. Les nouveaux concepts hors-pistes se mettent en place dans la foulée du succès de La Folie Douce, du Rocky Pop ou des nouvelles propositions de l’UCPA. La haute gastronomie active ses fourneaux au sommet avec de nouveaux concepts à faire pâlir les métropoles européennes.

Fort d’une base arrière consolidée, les leaders du secteur ont la capacité à s’exporter avec succès comme le fait un Club Med en Chine, et ailleurs en Europe sans forcément chercher trop loin.

L’imagination est au pouvoir, le terrain de jeu est immense et la France – leader mondial - a toutes les cartes en main pour ouvrir de nouvelles voies. Si on s’y prend bien, non seulement le coq français n’arrêtera pas de pousser de la voix, mais il pourra le faire sur d’autres sommets européens, voire au-delà.

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