Au moment où tous les voyants sont au rouge dans le secteur de l’immobilier (taux d’intérêts, promotion, augmentation des coûts de construction) qu’en est-il de sa composante hospitalité ? Il y a maintenant 31 ans, Hospitality ON a été le premier média à publier un classement mondial des chaines et groupes hôteliers. Cette année encore, c’est l’occasion de faire le bilan sur la progression des enseignes et d’analyser les dynamiques qui influencent le développement de l’offre hôtelière de chaîne.
Depuis une dizaine d’années, une rengaine se fait entendre sur les marchés urbains développés. Certains investisseurs s’interrogent sur la nécessité d’avoir une enseigne pour maximiser la performance de son établissement. Quelques un des piliers de sa création de valeur que sont la distribution ou le savoir-faire opérationnel ont été mis à mal. Alors qu’en est-il de la dynamique de développement des enseignes dans ce contexte ?
Au sortir du Covid, force est de constater que le vent a tourné. La situation s’est révélée tellement complexe, que dans des marchés qui avaient une proportion d’indépendants importante et à prépondérance loisirs et resorts, le passage sous enseigne se développe. Les récents rapprochements d’IHG avec Iberostar ou encore d’Hyatt avec Apple Leisure Group, attestent de l’attractivité de ce segment.
Plutôt que d’opposer les points de vue et de se demander si on est pour ou contre les enseignes, la question serait certainement : quand l’enseigne est-elle pertinente ? Pour les propriétaires exploitants, l’équation est simple : la pertinence d’une enseigne est égale à sa création de valeur, moins son coût.
La valeur ajoutée apportée par les enseignes doit s’enrichir. Les contours des standards de marques se déplacent. Autant on a standardisé le produit dans la première phase d’industrialisation du secteur, autant il s’agit maintenant d’industrialiser des marqueurs d’expérience locaux et individualisés. Dans ce nouveau cycle qui s’amorce, il est bon de rappeler qu’il n’y a de transformation que là où il y a la capacité humaine à exécuter cette transformation. Sans équipage efficace, le navire risque de s’échouer.
Il appartient aux réseaux d’être capables d’apporter des réponses à ces transformations. Comment met-on en place une productivité compatible avec les exigences de RSE ? Les propriétaires n’ont pas encore acquis ce savoir-faire et attendent un accompagnement de la part des enseignes. Afin d’adresser les nouveaux piliers de création de valeur pour le client, ils ont besoin de soutien et de guidance.
Les clients attendent du renouvellement et il est complexe de faire changer de cap des réseaux historiques entiers. Le moyen le plus facilement actionnable est donc de créer des marques pour alimenter l’expérience et redéfinir de nouveaux codes. Il n’y a pas lieu d’opposer les marques historiques et d’autres jugées plus « désirables » incarnées par le « lifestyle ». Ces marques continuent de délivrer de la valeur et ont permis à l’industrie d’avoir toutes ses lettres de noblesse. Elles n’ont pas été en reste en sortie de Covid où les gens se sont naturellement tournés vers des enseignes identifiées comme étant à valeur sûre. Charge à la nouvelle génération d’apporter un renouveau à ces marques, afin qu’elles répondent mieux aux attentes des consommateurs. Comme dans tout couple, à l’installation de la lassitude du quotidien, il faut une volonté commune de réenchanter, sans pour autant remettre en cause la relation.
Jusque dans les années 2010, on pensait le marché figé parmi les grands opérateurs. Nous avons au contraire vu, par l’arrivée d’opérateurs chinois, d’Oyo, d’autres opérateurs “digital natives”, ou encore d’opérateurs « lifestyle », que le marché était peut-être plus ouvert que nous ne le pensions. Il n’y a finalement plus de situation établie, B&B HOTELS se lance aux USA et au Royaume Uni, le numéro 1 européen Accor s’est repositionné sur le haut de gamme en quelques années. Tout reste ouvert.
Le secteur a certainement franchi une première étape dans le développement du resort au sein des groupes hôteliers. Bon nombre d’entre eux s’y positionnent désormais. Depuis Henry Ford et sa Ford T disponible en une seule couleur, l’industrie automobile est montée en maturité avec des cross-overs, des berlines, des citadines, des SUV… Notre industrie de l’hospitalité vit cette transformation avec une profondeur de gamme en plein développement. Nous sommes en train de passer de l’ère du « un produit pour tous » à celle d’une « multitude de produits pour chacun ».
Les entreprises cotées créent de la valeur par le développement de l’offre. En comparant la trajectoire des produits automobiles, on devine le potentiel qui s’offre au secteur. Mais attention à ne pas créer des marques qui répondent avant tout aux besoins des investisseurs plutôt qu’à ceux des clients.
Le développement, c’est le thermomètre de la santé du secteur et de son attractivité ; parmi les 10 premiers mondiaux, les 8 premiers continuent à développer leur parc.
Les 50 dernières années ont marqué l’avènement de l’industrialisation de ce secteur. Les 50 prochaines sont à inventer car tout reste ouvert. Quoi qu’il en soit, la demande pour le voyage et l’hébergement marchand restera toujours élevée. Qui pour la satisfaire et comment y répondre ? Sommes-nous à l’aube d’un new deal du développement hôtelier ? Les codes établis sont en train de se redéfinir. Franchise versus management ou encore hôtellerie de luxe versus offre d’usage, les frontières s’estompent. Autant de thématiques dont nous débattrons lors du Hospitality Operator Forum et du Hospitality Asset Forum.
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